Expatrié, comment organiser ma retraite hors de France ?
Les chiffres clés :
- Au 31 décembre 2018, le nombre d’inscrits au registre des Français tenu par les consulats s’élève à 1 802 382, soit une légère baisse (-1,05 %) par rapport à 2017. Au total, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères estime à environ 2,5 millions le nombre global de Français vivant à l’étranger (WE ARE CLIMB).
- L’expatriation fait toujours autant rêver : selon une étude Yougov de 2018, 50% des Français ont déjà pensé à s’installer à l’étranger, ce chiffre monte à 72% pour les 18-24 ans.
- Au 31/12/2020, 7,6% des retraités résident à l’étranger (source : CNAV).
Si vous avez effectué une partie de votre carrière professionnelle à l’étranger et envisagez de passer votre retraite hors de France, ou en France, cet article est fait pour vous. Garance à vos côtés vous accompagne dans le calcul et la demande de votre pension de retraite selon les pays étrangers dans lesquels vous avez travaillé, la durée de vos séjours et votre statut.
Travailleur à l’étranger : quel statut ?
Détachement et expatriation : quelles différences ?
Si vous avez travaillé à l’étranger au moins une fois, 2 scénarios existent :
- Le détachement qui est un statut temporaire pour le salarié d’une entreprise française envoyé par son employeur à l’étranger pour une durée qui peut varier de 6 mois à 6 ans selon le pays d’accueil (les missions durent en moyenne 12 mois). L’employeur, pour le mettre en œuvre, va réaliser une demande auprès de la Sécurité sociale de l’entreprise. Pour le salarié, rien ne change : il conserve son contrat de travail initial et reste affilié au régime de protection sociale français, comme s’il travaillait en France, qui couvre ses frais de santé, le chômage et la retraite de base et complémentaire.
Pour les indépendants, le détachement est également possible. On parle alors « d’auto-détachement » dans le pays étranger de votre choix. Là aussi, vous conservez, comme les salariés, vos droits en matière de protection sociale.
- L’expatriation quand le salarié français est employé soit par une société française qui n’a pas opté pour le détachement soit par une société étrangère du pays d’expatriation ou d’un pays tiers et dispose d’un contrat local. Le salarié devient affilié à la couverture sociale du pays d’expatriation, lorsque celle-ci existe, et perd sa couverture sociale en France. Il cotise donc au régime local, même si des garanties existent pour couvrir les ressortissants français de la même manière à l’étranger qu’en France.
- Les indépendants expatriés suivent un régime identique : ils vont réaliser des prestations de services à l’étranger et cotiser au régime local.
Cotisations retraite : les règles applicables
Cumul des trimestres et pays d’expatriation : les règles à connaître
En France, les travailleurs salariés et indépendant doivent cumuler 166 trimestres (acquis en 41 ans et 6 mois) pour disposer d’une retraite à taux plein. Si vous avez travaillé à l’étranger, vous allez aussi cumuler des trimestres qui vont rentrer dans le calcul global et influencer le montant de la retraite de base et des complémentaires.
En fonction du pays d’expatriation, on distingue 4 possibilités :
- Vous avez travaillé au moins une fois dans un pays européen = en Europe, notamment grâce à la création de l’UE, les pays coordonnent leurs Sécurités sociales pour le calcul de la retraite des travailleurs. Les cotisations faites dans un ou plusieurs États de la zone euro seront pris en compte en France pour cumuler vos trimestres. C’est la CNAV (caisse nationale d’assurance vieillesse) qui obtiendra le relevé des trimestres acquis auprès de ces homologues européens.
Exemple : Un travailleur français a cotisé pour sa retraite pendant 30 ans en France (120 trimestres) et 15 ans en Allemagne (60 trimestres), pays qui a fixé l’âge de départ à la retraite à 65 ans vs 62 ans en France. Tous les trimestres sont retenus pour le calcul de sa pension de retraite et 2 choix sont possibles : soit liquider sa retraite en France à 62 ans, soit attendre 65 ans pour liquider ses droits retraite dans les deux pays simultanément.
Le cas du Brexit : le 1er janvier 2021, le Royaume-Uni a acté sa sortie de l’Union Européenne (UE). L’accord de retrait stipule que les travailleurs français déjà présents au Royaume-Uni avant le 01/01/2021 bénéficient d’une coordination de la Sécurité sociale entre les 2 pays en vertu des dispositions européennes.
- Vous avez travaillé au moins une fois dans un pays conventionné = la France a conclu avec de nombreux pays (liste ci-dessous) des accords bilatéraux pour éviter les décotes des pensions de retraite en prenant en compte toutes les périodes des cotisations en France et hors du territoire national.
Exemple : Si vous avez travaillé en France, au Canada et au Brésil, deux pays qui ont signé avec la France des accords de Sécurité sociale, c’est la période de la plus longue affiliation qui sera retenue. Donc si vous avez travaillé 5 ans au Canada et 10 ans au Brésil, c’est la convention franco-brésilienne qui prévaut dans le calcul de la retraite. Néanmoins, les cotisations payées pendant 5 ans au Canada vous ouvrent en plus le droit à une retraite canadienne.
- Vous avez travaillé au moins une fois dans un pays européen et un conventionné : il vous faudra choisir entre la convention européenne et internationale. C’est toujours la plus longue période d’affiliation à l’étranger qui sera retenue dans le calcul de votre pension de retraite française. N’oubliez pas que les cotisations réalisées dans le pays d’expatriation de la période d’affiliation plus courte vous permettront de toucher une pension de retraite de la part de ce pays.
- Vous avez travaillé au moins une fois dans un pays non conventionné : votre pension de retraite française ne sera pas calculée en prenant en compte les périodes où vous avez cotisé dans un pays qui ne dispose pas d’accord bilatéral avec la France. Ce ou ces pays pourront vous verser une pension locale, si la législation le prévoit.
Bon à savoir : si vous travaillez ou avez travaillé dans un pays non conventionné, vous pouvez cotiser volontairement à la CFE (caisse des français de l’étranger) pour bénéficier d’une meilleure protection sociale. Vous devrez payer à la fois les cotisations locales et françaises pour maximiser votre pension de retraite.
Liste des pays européens et conventionnés :
Européens | Conventionnés | |
---|---|---|
Salariés | 27 États Membres de l’Union Européenne Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République Slovaque, République Tchèque, Roumanie, Slovénie, Suède + 4 pays de la Zone Euro Islande, Lichtenstein, Norvège, Suisse | 40 pays signataires : Algérie, Andorre, Argentine, Bénin, Bosnie-Herzégovine, Brésil, Cameroun, Canada, Cap-Vert, Chili, Congo, Corée du Sud, Côte-d’Ivoire, États-Unis, Gabon, Îles anglo-normandes (Jersey, Guernesey et Île-de-Man), Inde, Israël, Japon, Kosovo, Macédoine, Mali, Maroc, Mauritanie, Mayotte, Monaco, Monténégro, Niger, Nouvelle-Calédonie, Philippines, Polynésie-Française, Québec, Saint-Marin, Saint-Pierre et Miquelon, Sénégal, Serbie, Togo, Tunisie, Turquie, Uruguay |
Indépendants | 27 États Membres de l’Union Européenne Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République Slovaque, République Tchèque, Roumanie, Slovénie, Suède + 4 pays de la Zone Euro Islande, Lichtenstein, Norvège, Suisse | 16 pays signataires Andorre, Argentine, Brésil, Canada, Chili, Corée du Sud, États-Unis, Inde, Japon, Maroc, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Québec, Saint-Pierre et Miquelon, Tunisie, Uruguay |
Pour plus d’informations sur les accords bilatéraux, consultez le site de la Cleiss.
Modalités et formalités pour obtenir sa pension
Retraite de base et complémentaires : tout savoir pour les expatriés
Nous l’avons évoqué, les expatriés sont libres de souscrire à une assurance retraite auprès de la CFE pour la retraite de base, qu’ils soient salariés ou indépendants. L’adhésion à la CFE, pour être valide, nécessite que la demande soit formulée dans les 10 ans à compter du début de votre départ à l’étranger. Les cotisations sont trimestrielles et se décomposent comme suit :
Revenus annuels | PASS* | Cotisations CFE |
---|---|---|
> 41 135€ | 100 % | 1824 € |
> 20 568 et < 41 135 | 50 – 100% | 1368 € |
< 20 568 | 0 – 50 % | 912 € |
< 22 ans | X | 456 € |
Les expatriés sont aussi libres de souscrire à une retraite complémentaire, en fonction de leur profession. Pour les salariés, 2 caisses existent :
- La CRE ou caisse de retraite des expatriés qui concerne l’ensemble des salariés ;
- La CRE-Ircafex qui concerne les salariés cadres uniquement.
C’est le groupe Malakoff Humanis qui a été nommé par l’Argic-Arrco pour percevoir toutes les cotisations des salariés expatriés. La cotisation que vous devrez payer pour bénéficier de cette complémentaire sera plus élevée puisqu’elle inclut la part salariale et patronale.
Les indépendants peuvent, comme les salariés, volontairement cotiser à une caisse de retraite si 2 conditions sont réunies : faire la demande dans une fenêtre de 10 ans suivant le début de leur activité à l’étranger et avoir cotisé au moins 5 ans au régime français d’assurance maladie. Les indépendants cotisent obligatoirement au régime de base et à la complémentaire auprès de la CNAPVL (libéraux), la SSI, la MSA (agricole) ou la CNBF (avocats).
Comment se calcule ma pension de retraite ?
Si vous avez travaillé dans un pays européen ou conventionné, vous allez percevoir plusieurs pensions de retraite. Une pension dite « nationale » et une pension dite « communautaire ». Pour la pension nationale, chaque pays dans lequel vous avez travaillé va calculer le montant de la pension en appliquant la législation nationale et en prenant en compte uniquement les trimestres dans ce pays. Pour la pension communautaire, on va considérer tous les trimestres en France et dans les pays étrangers dans l’assiette de calcul. Le montant sera ensuite mis au prorata des périodes travaillées par pays.
Comment formuler la demande de ma pension ?
Si vous avez choisi de passer votre retraite en France, il vous suffit de vous connecter sur le site de l’assurance retraite pour demander votre pension. Si vous résidez toujours à l’étranger, vous devez remplir un formulaire spécifique pour bénéficier de votre pension de retraite. Les démarches à suivre :
- Pour les pays européens, vous devez remplir et transmettre le formulaire de demande auprès de la caisse de retraite du pays européen où vous résidez ;
- Pour les pays conventionnés, vous devez également transmettre votre demande à la caisse locale ;
- Pour les pays non conventionnés, vous devez transmettre la demande à la caisse du dernier pays d’affiliation.
Bon à savoir : si vous résidez à l’étranger, vous ne paierez pas la CSG (la contribution sociale généralisée), la CRDS (la contribution pour le remboursement de la dette sociale) et la CASA (contribution de solidarité et d’autonomie) qui s’appliquent normalement aux pensions en France. En revanche, vous serez redevable d’une cotisation à l’assurance maladie commune aux salariés et aux indépendants. Les retraités expatriés ne peuvent pas non plus prétendre à l’ASPA (Allocation de solidarité aux personnes âgées) ni à l’ASI (l’allocation supplémentaire d’invalidité) qui offrent aux retraités les plus pauvres un revenu minimum.
Chaque année, un certificat de vie vous sera envoyé par l’administration française. Il faudra le faire remplir par les autorités locales et le renvoyer dans un délai d’un mois.
Vivre une carrière à l’international est une source d’épanouissement et de dépaysement pour de nombreux ménages français. Bien anticiper votre retraite, le calcul de vos droits et l’intérêt de cotiser à une complémentaire vous permettront d’aborder le passage à la retraite avec sérénité, où que vous soyez !