Victime d’un détournement de fonds, que faire pour protéger mon activité ?

A savoir :

  • En 2019, près de 14% des personnes interrogées déclaraient avoir subi une fraude interne à leur entreprise (étude Euler Hermes) ; 
  • Face à ce constat, la mise en place de mesures de prévention et de répression du détournement de fonds semble nécessaire ; 
  • A ce titre, cet article compile les conseils pertinents qui permettront aux entreprises d’appréhender plus clairement le détournement de fonds et les moyens de le prévenir et le combattre. 

Le cadre légal du détournement de fonds  

Les différentes facettes du détournement de fonds 

Le détournement de fonds est un terme englobant de nombreuses situations : 

  • Il peut être public ou privé 
  • Il peut s’agir d’abus de biens sociaux : le détournement est commis au sein d’une SA ou SARL par un gérant, président, administrateur ou directeur général ; 
  • Il peut s’agir d’abus de confiance : le détournement est commis par un salarié ou collaborateur de l’entreprise.  
Point d’attention :

À des fins de clarté, seul l’abus de confiance par détournement de fonds constituant une fraude interne à l’entreprise sera évoqué car celui-ci constitue une grande partie des détournements. Toutefois, certains conseils cités ci-après sont également applicables aux fraudes externes comme par exemple, la fameuse « arnaque au président » par laquelle une personne (interne ou externe à l’entreprise) se fait passer pour le dirigeant souvent en détournant son adresse électronique ou son numéro de téléphone, et convainc un collaborateur d’effectuer un virement à un faux fournisseur pour prestation fournie. 

En effet, le Code pénal prévoit en son article 314-1 que « l’abus de confiance est le fait pour une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé ».  

  • Autrement dit, une personne ayant reçu de l’argent ou un bien en détourne son usage afin d’en tirer un bénéfice ou pour un motif frauduleux. 

Le détournement de fonds est puni d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. 

Les éléments constitutifs du détournement de fonds  

Compte tenu de la définition fournie par la loi, 4 éléments doivent être pris en compte afin de caractériser le détournement de fonds :  

  1. La remise volontaire d’une chose : La chose doit être remise, volontairement par le propriétaire à la personne qui s’est rendue coupable de détournement, à défaut de quoi le détournement pourrait notamment être requalifié en vol ; 
Exemple :  

Il peut s’agir d’une carte de crédit professionnelle dont l’usage devait être strictement professionnel, un véhicule professionnel et une carte carburant utilisés à des fins personnelles, la permission d’usage d’un compte bancaire par lequel un salarié ou un dirigeant effectue un virement vers son compte bancaire personnel ou encore l’émission de fausses factures

2. Le détournement de la chose : c’est un acte matériel empêchant le propriétaire d’accéder à son bien ; 

Exemple :  

Il peut s’agir de l’usage abusif de la chose confiée, de la destruction de celle-ci ou encore un acte de disposition non conforme à l’usage initialement prévu par le propriétaire lorsqu’il a transmis la chose.  

  1. Le préjudice subi par le propriétaire : le propriétaire doit être dépouillé de ses droits sur la chose confiée ; 
  1. L’intention de commettre le détournement : l’intention frauduleuse se définit notamment par la conscience de celui qui détient la chose de l’usage détourné qu’il en fait.  

La prévention du détournement de fonds  

La prévention du détournement de fonds est un exercice difficile qui appelle à une grande rigueur et à des procédures de détection bien définies. 

 La communication au sein de l’entreprise  

Que vous soyez une petite entreprise de quelques salariés ou une multinationale, une sensibilisation relative au détournement de fonds doit être effectuée afin de le prévenir.  

Point d’attention :

En fonction de la taille de votre entreprise, vous n’aurez pas nécessairement les moyens d’investir une somme importante dans des formations souvent onéreuses.  Toutefois, un simple courriel de sensibilisation à l’ensemble des collaborateurs permet parfois de dissuader certains collaborateurs notamment en rappelant que ces pratiques sont sanctionnées. 

La mise en place de garde-fous visant à réduire le détournement de fonds et la fraude 

  • Soyez très attentifs aux changements dans les comptes de votre société, notamment, effectuez un inventaire et un audit régulier permettant d’identifier le plus rapidement possible les irrégularités et anomalies ; 
  • Mettez en place une « Muraille de Chine », une séparation nette entre l’employé/collaborateur qui ordonne la réalisation d’une dépense et celui qui exécute effectivement le paiement ; 
  • Sécurisez vos paiements en mettant en place un processus court et efficace de gestion de la trésorerie en restreignant le nombre de personnes ayant accès aux moyens de paiement. Si besoin, ce contrôle de gestion peut être effectué par un tiers externe à l’entreprise pour éviter un sentiment de défiance des employés.  

La marche à suivre après la découverte d’un détournement de fonds 

L’identification du fraudeur  

La première étape délicate pour les dirigeants est celle de l’identification de la personne à l’origine du détournement de fonds. Bien souvent, après vérification approfondie des comptes par le comptable, des anomalies sont détectées mais les éléments à disposition ne permettent pas nécessairement d’identifier le fraudeur.  

Une investigation minutieuse doit être effectuée, avec si nécessaire, la mise en place d’entretiens individuels avec les collaborateurs.  

À toutes fins utiles et dans une recherche d’impartialité, il pourrait également être utile de solliciter en externe la réalisation de cette mission d’enquête. 

Agir avec célérité 

À la suite d’un détournement de fonds commis par un salarié, le premier conseil est d’opérer rapidement.  

Cette célérité permettra : 

  •  de démontrer, le cas échéant, la coopération de la société et d’éviter toute éventuelle accusation de la société et taxation en dissimulation de détournement ; 
  • de prévenir de futurs agissements frauduleux et de dissuader toute personne de commettre une telle pratique lourdement sanctionnée.  

La charge de la preuve 

Bien évidemment, pour agir, il est nécessaire de disposer d’arguments et de preuves tangibles. Il ne s’agit donc pas, ici, de spéculer sur d’éventuels manquements mais sur des éléments incontestables.  

Point d’attention : 

Il est important, avant toute sanction ou action de votre part, de convoquer le salarié à un entretien préalable afin de recueillir des explications concernant ses agissements éventuellement frauduleux et conserver une présomption d’innocence et un principe du contradictoire dans le cadre de vos processus de sanction.  

Lorsque ces conditions sont réunies, il faut opérer rapidement en déposant plainte et/ou en sanctionnant le salarié, souvent par un licenciement pour faute grave ou lourde. (Lire Je licencie un salarié, quelles sont les étapes à suivre pour respecter le cadre légal ?). 

Point d’attention : 

Dans le cadre du licenciement pour faute, il est important que ledit licenciement soit précisément justifié et motivé dans la lettre de licenciement. En droit français du travail, les motifs de licenciement pour faute sont encadrés.  En effet, la faute peut être simple, grave ou lourde. Dès lors, il convient de bien identifier la qualification retenue en fonction de votre situation et de la faute reprochée.