Pacte Dutreil : pourquoi et comment ?

La transmission est une étape importante dans la vie d’un entrepreneur.

Si vous avez fondé l’entreprise que vous dirigez depuis des décennies, l’attachement émotionnel est d’autant plus fort et la question « qui pour reprendre le flambeau ? » vous a déjà traversé l’esprit. Souvent, le chef d’entreprise parent veut transmettre à un membre de sa famille : quel plus beau cadeau pour un enfant que d’hériter du fruit de toute une vie de travail. En théorie, le geste est noble. Dans la pratique, une telle démarche s’anticipe et se prépare tant les enjeux sont multiples (financier, fiscal, relationnel et de pouvoir).

 

C’est le rôle du notaire d’accompagner son client chef d’entreprise dans la réflexion et la réalisation du projet de transmission. Ses conseils sont précieux pour comprendre les impacts familiaux et en matière de patrimoine afin de respecter une certaine équité entre vos enfants sans morceler le capital. Dans ce cadre, le « pacte Dutreil » est un dispositif instauré par la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 (dite « loi Dutreil ») et actualisé par la loi de finances de 2019, afin d’alléger le coût fiscal de la transmission des entreprises dans un cadre familial, à la suite d’un décès ou à une donation.

Pacte Dutreil : les avantages 

Le pacte Dutreil permet, sous conditions, de bénéficier d’une exonération des droits de donation ou de succession (aussi appelés les « droits de mutation à titre gratuit ») jusqu’à 75% de la valeur de l’entreprise transmise. Si le donateur est âgé de moins de 70 ans, les droits de donation qui restent exigibles peuvent bénéficier d’une réduction de 50%. Chacun des enfants peut bénéficier d’un abattement en ligne directe de 100 000 €. Il pourra différer et fractionner le paiement des droits exigibles.

Pacte Dutreil : les modalités

Le dispositif s’applique pour les entreprises françaises et étrangères indépendamment de leur régime fiscal. Pour en bénéficier, il faut que l’activité soit industrielle, commerciale, artisanale, agricole, libérale ou que les titres soient détenus par une société holding animatrice du groupe ayant une fonction organisatrice et de contrôle sur la société et ses filiales. Il faut détenir la société depuis plus de deux ans en cas d’achat. Si vous êtes éligible au dispositif, la mise en place comporte plusieurs étapes incontournables :

  • 1 – Conclure un engagement collectif de conservation pour une durée minimum de deux ans toujours en cours au jour de la transmission. Il doit porter sur 10% des droits financiers et 20% des droits de vote pour les sociétés cotées et 17% des droits financiers / 34% des droits de vote pour les sociétés non cotées. Si l’engagement collectif n’est pas signé avant la transmission, il peut être réputé acquis c’est-à-dire ouvrir le droit à l’exonération si le donateur détient les titres et exerce l’activité depuis plus de deux ans. On peut conclure dans les six mois suivant le décès du donateur un engagement dit post mortem entre les héritiers et les associés.
  • 2 – Transmettre les titres de l’entreprise par l’acte donation ou la déclaration de succession (valable pour les sociétés et les entreprises individuelles). Ces documents doivent être transmis aux impôts avec une copie de l’acte constatant l’engagement collectif, une copie de l’engagement des bénéficiaires et une attestation prouvant que l’engagement est en cours et qu’il respecte le quota de titres.
  • 3- Signer un engagement personnel de conservation des titres d’une durée minimum de quatre ans pour les héritiers ou les donataires (article 787B du CGI). Les légataires et héritiers peuvent donner leurs titres à leurs descendants s’ils poursuivent l’engagement à son terme. Ils peuvent aussi transférer les titres dans une société holding si l’objet exclusif est de détenir les titres de la société d’exploitation et que les titres sont détenus par les héritiers.
  • 4 – Exercer une fonction de direction dans la société pour une durée minimum de 3 ans suivant la date de la transmission pour l’un des signataires de l’engagement collectif ou individuel (énumérée au 1° du 1 du III de l’art 975 du CGI).

Pacte Dutreil : cas pratique

Les droits à payer lors d’une transmission sont calculés après les divers abattements. Ces droits sont calculés selon un barème progressif (avec un montant à retrancher) :

 

  • Le taux applicable est de 5% après abattement si la valeur est inférieure 8 072€,
  • Le taux applicable est de 10% après abattement si la valeur est comprise entre 8 072€ et 12 109€,
  • Le taux applicable est de 15% après abattement si la valeur est comprise entre 12 109€ et 15 932€,
  • Le taux applicable est de 20% après abattement si la valeur est comprise entre 15 932€ et 552 324€,
  • Le taux applicable est de 30% après abattement si la valeur est comprise entre 552 324€ et 902 838€,
  • Le taux applicable est de 40% après abattement si la valeur est comprise entre 902 838€ et 1 805 677€,
  • Le taux applicable est de 45% après abattement si la valeur est supérieur à 1 805 677€.

 

Prenons l’exemple d’une entreprise dont la valeur est portée à 1 000 000€ avec un donataire âgé de 80 ans (donc pas de réduction des droits de donation spécifique) et un héritier unique (en ligne directe). La donation initiale pour l’enfant est donc d’un million d’euros. Avec l’abattement de la loi Dutreil de 75%, le montant de la donation passe à 250 000 €. Il faut retrancher 100 000 € d’abattement par enfant : la valeur taxable passe donc à 150 000 €. Le taux applicable est de 20% soit un total des droits à régler de 30 000 € (moins environ 1 806 € à déduire).

 

Avec le pacte Dutreil, les droits de l’héritier représentent finalement 3% du total de la valeur de l’entreprise, contre 36% avec le taux applicable après abattement. L’économie réalisée par la mise en place du dispositif est de l’ordre de 80%, une réduction très avantageuse. Bien préparer avec les conseils d’un professionnel la transmission permettra aux entrepreneurs de bénéficier de ce régime de faveur.

 

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