S’associer entre avocats : mode d’emploi
La répartition de la profession selon le mode d’exercice de chaque avocat se présente ainsi selon le Conseil National des Barreaux1 :
- 29 % de collaborateurs ;
- 36% d’individuels ;
- 30 % d’associés de structures d’exercice ;
- 4% salariés non associés
Avant tout projet d’association, il convient d’envisager minutieusement les étapes préliminaires déterminantes et nécessaires à la réussite de toute association.
Afin de solidifier l’association dans la durée, les associés doivent consacrer une partie significative de leur temps à l’association en elle-même. Pour ce faire, il convient de prendre soin de son rapport à ses associés, son association et sa structure.
En pratique : Quelles questions se poser en amont de tout projet d’association ?
- Pourquoi je souhaite m’associer ?
- Selon quel timing je souhaite m’associer ?
- Quel est le temps que je veux/peux consacrer à l’élaboration de mon projet d’association et au maintien de la qualité de mon association chaque jour ?
- Quel budget je suis prêt à investir, le cas échéant, pour une nouvelle association ?
- Quels investissements suis-je prêt à faire ?
- Quelle forme sociale pour mon association ?
- Quelles limites je tiens absolument à fixer ?
- Sur quels points je suis prêt à faire des concessions si nécessaire ?
Il apparait que toute association réussie exige de respecter le mode d’emploi suivant exposé ci-après.
CHOISIR AVEC SOIN SON ASSOCIE OU SES ASSOCIES
Conformément à l’adage selon lequel « s’associer, c’est comme se marier », il est nécessaire de bien choisir son associé afin de s’engager dans les meilleures conditions. Il n’existe pas de critères exhaustifs afin de garantir la qualité du choix opéré. Toutefois, une énumération sélective peut être établie afin de choisir au mieux et en connaissance de cause la personne avec laquelle travailler et que l’associé va fréquenter quotidiennement.
Deux critères distincts peuvent être retenus : (a) les critères objectifs et (b) les critères subjectifs. Certains critères pourraient être qualifiés de secondaires et d’autres d’indispensables, ce que les anglo-saxons distinguent en « should » et « must ».
Les critères objectifs : professionnels et réputationnels
Il est nécessaire de s’associer avec un confrère dont on est assuré des qualités professionnelles :
- Bon technicien du droit/ réputation juridique ;
- Fiabilité dans la relation client ;
- Portefeuille de clientèle ;
- Bon potentiel de progression ;
- Possession d’un réseau ;
- Compétences managériales,
- Complémentarité des domaines de spécialisation, etc.
Des critères subjectifs doivent venir compléter les éléments à prendre en compte dans le choix de l’associé.
Les critères subjectifs : humains
L’ouverture d’un cabinet ou la continuité d’un projet d’association déjà entamé ne sont pas de simples projets professionnels mais relèvent bien, de façon plus globale, d’un projet de vie.
Les intelligences relationnelles et émotionnelles sont de mise. Dès lors, des critères subjectifs et humains sont primordiaux afin de s’associer avec succès.
En pratique : Quelles questions à se poser s’agissant de critères subjectifs ?
- L’associé potentiel respecte-t-il les règles les plus élémentaires du savoir-vivre et de respect ?
- Est-ce une personne seule ou qui mène une vie de famille ?
- Son caractère, sa psychologie sont-ils compatibles avec les miens ?
- L’associé potentiel a-t-il une vision fondée sur la générosité relationnelle ?
- Suis-je bien informé de ses meilleures qualités et de ses points faibles ?
- Quelles sont ses plus grandes peurs dans la vie ?
- Quelles sont les valeurs que nous partageons ? Celles sur lesquelles nous divergeons ?
- Suis-je certain d’être informé comme il se doit de l’état de santé de mon futur associé ?
- A-t-il été correctement discuté ensemble de nos projets de vie respectifs ? (projets familiaux ? Envie d’ouverture d’un cabinet secondaire ? Congés ? Rythmes de vie de chacun, etc.) ;
- Chaque associé est-il bien couvert, le cas échéant, par une prévoyance, de sorte que la structure ne soit pas mise en péril en cas de difficultés ?
- Ai-je un minimum de respect pour son partenaire au privé ? et vice et versa
- Ai-je le feeling pour le partenaire et associé potentiel ?
IDENTIFIER LES COMPETENCES EN PRESENCE
Suivant les domaines d’intervention de chaque associé la nature de l’association pourra variée :
- L’association pluridisciplinaire : Il s’agit d’une structure intégrant plusieurs départements de compétences. Le cabinet devient alors un référent régulier et le client est accompagné, en fonction de la problématique qu’il a à soumettre, au département compétent.
- L’association uni-disciplinaire : La structure créée sera ici spécialisée dans un domaine en particulier : le cabinet sera alors ultra spécialisé et interviendra de manière pointue sur une matière donnée.
DEFINIR LES VALEURS FONDATRICES
Un projet d’association suppose de partager un socle de valeurs. La notion de valeurs recouvre aussi bien les valeurs dont on veut faire bénéficier nos clients (réactivité, disponibilité, efficacité, générosité, écoute, respect des délais, etc.) que celles que l’on souhaite mettre en place dans les rapports entre associés.
Ces valeurs sont la matrice du projet d’association et détermineront la colonne vertébrale du cabinet. Il convient, en amont de l’association, de définir précisément les valeurs que chacun souhaite mettre en commun, et discuter de ce qu’elles recouvrent pour les futurs associés.
En pratique : Envisager un exercice de projection entre futurs associés
Chaque futur associé détaille face aux autres la façon dont il se voit dans 2, 5 ou même 10 ans et comment il envisage le cabinet au bout de ces délais. L’apparition de divergences de vision peut alors :
- Offrir la possibilité de travailler aux mesures visant à rapprocher chacune des projections faites par les futurs associés ;
- Révéler des distorsions trop importantes entre les réalités envisagées et souhaitées par chacun et éviter une association malheureuse.
DETAILLER LES MODALITES FINANCIERES ET DE GOUVERNANCE
Que les associés envisagent une simple association de moyens ou bien une association « totale » (partage des charges et des bénéfices), il est recommandé de détailler les modalités financières et de gouvernance de l’association projetée.
Plusieurs outils demeurent à leur disposition dont principalement :
- Les statuts de l’association : Ils définiront ainsi la clé de répartition choisie. Il est possible d’intégrer aux statuts de l’association une clé de répartition évolutive, en fonction des différentes situations d’avenir qu’il sera possible d’anticiper grâce à la mise en commun des visions et projets de chaque futur associé ;
- Le pacte d’associés : Il permettra notamment de régir le fonctionnement de l’entreprise en déterminant, les responsabilités de chaque associé, les prises de décisions, les conditions de la revente des actions ou encore celles de sortie. Le pacte n’est pas obligatoire mais est fortement recommandé. Il permettra de poser en toute transparence les règles de l’association ;
- La forme sociale de l’association2/société : Lire l’article Professions libérales : quel statut juridique choisir ?.
La répartition des charges et des bénéfices entre associés permettra ainsi de faire valoir tant l’équilibre que l’équité ou de privilégier l’un sur l’autre selon les situations d’association. S’agissant de la rémunération, il importe d’examiner la manière dont :
- Les activités non facturables sont reconnues et rétribuées : en effet, les structures performantes rétribuent les activités bénéficiant à l’intérêt collectif du cabinet : gestion globale, supervision ou gestion des ressources humaines, des finances, de l’informatique, des stagiaires, des évaluations, du marketing et de la communication, de la bibliothèque, des bâtiments.
- La reconnaissance attribuée à l’avocat ou aux avocats fondateurs du cabinet ;
- L’apport initial de clientèle ;
- L’apport de dossiers traités par d’autres avocats du cabinet
ETABLIR UN BUDGET
Les associés devront mettre en chiffres le projet de façon précise et éviter le « flou artistique ». Aussi, chacun des futurs associés devra demeurer transparent sur certain nombre d’informations financières pour l’élaboration d’un business plan :
- Le montant qu’il est prêt à investir,
- Le montant minimum exigé en termes de revenu mensuel pour que le projet d’association ne le mette pas en difficulté sur le plan personnel,
- Les investissements que chacun exige de faire rapidement et ceux que chacun accepte de voir différés
En pratique : il existe différents types de systèmes de rémunération, notamment :
- Un partage égal des bénéfices entre tous les associés
- Un régime de rémunération par échelons (Lock-Step) : tous les associés ayant atteint un certain niveau d’ancienneté sont reconnus et rémunérés également
- Un système où « vous gagnez ce que vous ramenez» (eat what you kill) fondé exclusivement sur les facturations et les rentrées de fonds
- Une formule fondée sur les facturations et l’ancienneté
- Un système fondé sur le mérite et calculé selon le rendement facturable et non facturable
- Toute combinaison des régimes susmentionnés
Un business plan précis et solidement bâti sera, de plus, un argument non négligeable afin (1) de permettre à l’association d’obtenir une aide éventuellement nécessaire de l’établissement bancaire qu’elle aura choisi pour l’accompagner dans ce projet et (2) de révéler la possibilité d’embaucher rapidement.
FAVORISER LA COMMUNICATION
La communication avec son/ses futur(s) associé(s) est primordiale et demeure l’une des clés indispensables à la bonne réussite d’un projet d’association.
Chaque futur associé devra pouvoir :
- Fournir un effort supplémentaire d’explication et ne pas faire l’économie des mots ;
- S’exprimer et avoir voix au chapitre afin que chacun se comprenne bien.
1 Ministère de la Justice, DACS 2020
2 En l’occurrence dans la mesure où elle répond à la définition de la société figurant à l’article 1832 du code civil (mise en commun d’apports en vue de partager des bénéfices), l’association d’avocats a la nature juridique d’une société. N’étant pas immatriculée, elle ne dispose pas de la personnalité juridique, ce qui conduit à la considérer comme une société créée de fait. Elle doit bien évidemment être distinguée de l’association définie par la loi du 1er juillet 1901.